Suite de notre Interview de Me Stefan Naumann du cabinet Hughes Hubbard. Il nous explique ici tout ce qu’il faut savoir sur le droit de rétractation et ce qu’il vous en coûtera en cas d’erreurs ! Il aborde également les changements à venir sur cette clause et vos nouvelles obligations en 2014. Vous comprendrez également ce qu’on appelle « clause abusive » et dans quels cas le droit de rétractation ne s’applique pas. Tout cybermarchand doit lire attentivement cette interview.
Un nouveau délai de rétractation de 14 jours en Juin 2014
En premier lieu, il est important de rappeler que le droit de rétractation, régi par les articles L121-20 et suivants du code de la consommation, va connaitre des modifications à partir du 13 juin 2014 suite à l’application de la directive 2011/83/UE. Cette dernière va venir harmoniser la liste des informations à fournir aux consommateurs et en particulier le droit de rétractation pour les achats effectués à distance. Cette directive poursuit un objectif d’harmonisation des règles de protection des consommateurs pour que le potentiel transfrontalier des ventes à distance ne soit pas entravé. L’une des grandes nouveautés est que le consommateur disposera d’un délai de quatorze jours et non plus de sept jours à compter du jour de l’entrée en possession physique du bien pour se rétracter d’un contrat à distance ou d’un contrat hors établissement.
Des erreurs fréquentes
Le principe est que le consommateur qui change d’avis doit exercer son droit de rétractation dans un délai de 7 jours francs (14 jours francs à partir de l’année 2014) et ce sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l’exception, le cas échéant, des frais de retour.
Les erreurs fréquemment retrouvées dans les clauses de « droit de rétractation » sont celles des clauses abusives ou illégales en la matière. Ainsi, l’e-commerçant qui imposerait un délai inférieur à 7 jours (inférieur à 14 jours à partir de 2014) ou qui supprimerait ce droit dans les C.G.V. verrait cette clause annulée en cas de contestation .
Les clauses abusives : des clauses déséquilibrées
A) On trouve des clauses abusives à toutes les étapes
La commission des clauses abusives émet régulièrement des recommandations afin de déterminer quelles clauses peuvent être considérées comme abusives et devraient être retirées des contrats entre consommateurs et professionnels. A ce titre, la Commission a adopté une recommandation le 24 mai 2007 relative aux contrats de vente immobilière conclus par internet.
Les clauses déclarées abusives concernent toutes les étapes du contrat entre l’e-commerçant et le consommateur, de la conclusion à la rupture du contrat. On y retrouve ainsi les clauses portant sur les conditions d’acceptation des C.G.V. ou encore celles concernant l’exercice du droit de rétractation du consommateur.
B) Les cas de clauses abusives
Toutefois, malgré un effort considérable du législateur, cela ne semble pas suffisant puisque l’on peut constater qu’il existe de nombreux cas où l’on a pu retrouver des clauses abusives dans les C.G.V.
Ainsi, le célèbre jugement du Tribunal de Grande Instance (ci-après TGI) de Bordeaux en fait une parfaite illustration. Dans ce jugement, il a été ordonné la suppression de treize clauses se trouvant dans des C.G.V et étant considérées comme abusives. Parmi elles, des clauses relatives au droit de rétractation et notamment des clauses imposant des modalités d’exercice contraignantes et limitant l’étendue du droit de rétractation de l’acheteur. Le TGI de Bordeaux a notamment considéré comme abusives les clauses qui prévoient que le droit de retour est conditionné par une autorisation du service client, les clauses qui limitent le droit de retour à un délai de 15 jours, les clauses qui autorisent la déduction des frais d’enlèvement sur le remboursement du consommateur ou encore celles qui allongent le délai légal de remboursement en cas de rétractation.
Il est ainsi de jurisprudence constante que sont abusives les clauses qui laissent croire au consommateur qu’il aurait plus d’obligations ou moins de droits que ceux auxquels il peut prétendre.
Les cas où le droit de rétractation ne s’exerce pas
L’article L. 121-20-2 du Code de la consommation exclut, sauf si les parties en ont convenu autrement, l’exercice du droit de rétractation, pour les contrats suivants :
- Contrats de fourniture de services dont l’exécution a commencé, avec l’accord du consommateur, avant la fin du délai de 7 jours francs.
- Contrats de fourniture de biens ou de services dont le prix est fonction de fluctuations des taux du marché financier;
- Contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent être réexpédiés ou sont susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement;
- Contrats de fourniture d’enregistrements audio ou vidéo ou de logiciels informatiques lorsqu’ils ont été descellés par le consommateur;
- Contrats de fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines;
- Contrats de services de paris ou de loteries autorisés.
Une seconde série d’exception est énumérée à l’article L 121-20-4 du même Code et concerne les contrats ayant pour objet :
- La fourniture de biens de consommation courante réalisée au lieu d’habitation ou de travail du consommateur par des distributeurs faisant des tournées fréquentes et régulières;
- La prestation de services d’hébergement, de transport, de restauration, de loisirs qui doivent être fournis à une date ou selon une périodicité déterminée.
C) De nouvelles exceptions à venir
Bien que la directive européenne de 1997 prévoie déjà plusieurs exceptions au droit de rétractation, la directive 2011/83/UE en ajoutera de nouvelles (article 16) . D’une part, les produits personnalisés et les biens « mélangés de manière indissociable avec d’autres articles » tel que le carburant. D’autre part, les boissons alcoolisées « dont le prix a été convenu au moment de la conclusion du contrat de vente et dont la valeur réelle dépend de fluctuations sur le marché échappant au contrôle du professionnel ». En outre, la directive ajoute également les fournitures d’un contenu numérique non fourni sur support matériel si l’exécution a commencé pendant le délai de rétractation. Enfin, certains produits dont l’emballage a été descellé ne peuvent pas être remboursés pour des raisons de santé ou d’hygiène .
Ce que doit rembourser l’ecommerçant en cas de rétractation
A) Remboursement de toutes les sommes y compris les frais de livraison
L’article L. 121-20-1 du Code de la consommation détermine les conditions dans lesquelles le cybermarchand doit rembourser l’acheteur qui a exercé son droit de rétractation. En cas de rétractation du consommateur, le remboursement effectué par le vendeur comprend toutes les sommes versées, y compris les frais de livraison.
B) Un délai de remboursement de 30 jours
L’article 121-20-1 dispose que l’entreprise de vente à distance est tenue de rembourser le consommateur dans un délai maximum de trente jours. Au-delà, la somme due est, de plein droit, productive d’intérêts au taux légal en vigueur. Ce remboursement peut se faire par tout moyen. Il est préférable que le remboursement s’effectue par chèque ou virement plutôt que par avoir. En effet, le professionnel ne peut désormais plus remettre un avoir au consommateur, sauf accord de celui-ci après l’annulation de la commande.
C) Limite au remboursement des frais de livraison
En outre, une limite au remboursement est posée par la directive 2011/83/UE : « le professionnel n’est pas tenu de rembourser les frais supplémentaires si le consommateur a expressément choisi un mode de livraison autre que le mode moins coûteux de livraisons standard proposé par le professionnel ».
D) C’est au consommateur de payer les frais de retour
Le consommateur est quant à lui tenu de renvoyer le bien en prenant à sa charge les frais de retour. Le cybermarchand est toutefois tenu de l’en informer. En cas de non-respect de l’obligation précontractuelle liée au droit de rétractation, des sanctions pénales et civiles peuvent être appliquées.
Le remboursement d’un produit déballé
La jurisprudence a établi que « le produit ne se confond pas avec son emballage, lequel doit nécessairement être ouvert pour vérification, et peut être à cette occasion endommagé. Cette circonstance ne peut priver le client de sa faculté de retour » . Le cybercommerçant ne peut donc pas refuser de rembourser le consommateur sous prétexte que l’emballage est endommagé. A contrario, l’appareil doit quant à lui être renvoyé par l’acheteur non endommagé. Dans ce sens, l’article R. 121-1-2 du Code de la consommation dispose que tout refus du vendeur de changer ou de rembourser un produit retourné par un acheteur peut être puni d’une contravention.
Pensez à compléter et modifier vos CGV dès le début de cette année
Dès l’année 2014, il sera opportun que tous les cybercommerçants pensent à actualiser leurs C.G.V. en complétant et modifiant les mentions légales, en régularisant leur politique tarifaire, et en rendant toutes ces informations accessibles sur leur site afin d’être en règle avec les nouvelles dispositions communautaires.
En cas de doute, il est intéressant de savoir que la directive 2011/83/UE contient en annexe un formulaire de rétractation, non obligatoire mais recommandé, auquel les cybermarchands pourront se référer.
Pour conclure, j’observe que le commerce électronique vit de plus en plus des recommandations et avis des internautes, et qu’une gestion proactive de la relation avec les clients est primordiale y compris la gestion des rétractations de clients. Il peut donc être utile de tenir compte des recommandations de la directive tels que le formulaire de rétractation.
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